EXTERIEUR. LA RUE – LA NUIT

Simon se trouve au milieu de la rue en train de parler à JOHNNY, un drôle de type qui ne semble pas pouvoir se défaire du look « baba-cool ».

Simon a un sac de marchandises dans les bras.

JOHNNY

Eh, ce n’est pas comme si je pensais que les filles devraient vivre dans des arbres ou un truc dans le genre, mais--

SIMON

Mais ?

JOHNNY

Oublie ce que je viens de dire.

(une pause)

Essaye ces sandwiches végétariens ? Ils sont fabuleux, mec.

CHANCE (en voix off)

Simon connaît beaucoup de monde en bas chez l’épicier.

JOHNNY

Le tofu au fromage, ça tue carrément. Tu sais qui a inventé ça… ?

SIMON

Qui ?

JOHNNY

Ah, je croyais que tu le savais.

SIMON

Non.

JOHNNY

Ah.

SIMON

Bon...

CHANCE (en voix off)

Alors, je n’aime pas vraiment les épiceries. Je crois que c’est parce que ma mère m’a raconté quand j’étais gosse, qu’il n’y avait que les gens désespérés qui y allaient.

(une pause)

Le désespoir. Une chose qui fait vraiment peur.

SIMON

Bon, je pense que je te verrais tout à l’heure.

JOHNNY

A tout à l’heure, mec.

Il fait un signe de la main à Simon, puis s’engage dans la direction opposée.

Simon le regarde partir.

CHANCE (en voix off)

Je crois que Simon est un être désespéré.

(une pause)

En tous cas il en a vraiment l’air.

INTERIEUR. SALLE DE BAINS DE CHANCE – EN JOURNEE

Simon, torse nu, se tient devant le miroir en train de renifler ses dessous de bras.

CHANCE (en voix off)

Je sais qu’il y a des gens qui se font une fixation sur leurs aisselles, mais je pense qu’ils n’ont jamais rencontré quelqu’un comme Simon auparavant.

(une pause)

L’odeur qu’il dégage est infecte.

Il prend un stick de déodorant de l’armoire à pharmacie et le décapsule. Il en applique un peu sur son doigt, et le renifle.

Satisfait, il badigeonne le gel partout sous les aisselles.

CHANCE (en voix off) (continue)

Vous savez quoi ? Je ne veux même pas penser à ce truc. C’est dégoûtant.

CUT - PLAN SUIVANT :

EXTERIEUR. LA RUE - AU MÊME MOMENT

Simon regarde Johnny s’en aller, et secoue la tête.

Il se retourne pour s’assurer que personne ne le voit, et renifle sous son bras vite fait.

Il grimace l’air dégoûté, puis se dépêche de descendre la rue.

INTERIEUR. SALLE DE SEJOUR/CUISINE DE CHANCE – PLUS TARD

Simon entre portant les commissions.

Il les pose sur la table de la cuisine. Chance lève les yeux du canapé sur lequel elle est en train de lire un livre.

CHANCE

Tu ramènes quelque chose de bon ?

Simon secoue la tête.

SIMON

Juste quelques trucs.

CHANCE

Comme quoi ?

SIMON

Des trucs.

CHANCE

Des trucs comme quoi...?

(une pause)

Comme des trucs à manger ou des trucs déodorants ?

Simon attrape un gant de cuisine posé sur la table et le lance au-dessus de la tête de Chance.

CHANCE (en voix off)

Des trucs déodorants, bien sûr. J’adore l’emmerder.

Le téléphone se met à sonner.

Simon et Chance le regarde tous les deux fixement.

Il continue à sonner à tue-tête.

SIMON

Tu réponds.

CHANCE

Hors de question, Gaston.

SIMON

Si t’avais pris un répondeur avec, on n’en serait pas là.

CHANCE

Je ne crois pas en ces machins là.

Le téléphone continue de sonner.

SIMON

Merde.

Il tend la main et saisit le téléphone.

SIMON (continue)

Allo...?

CHANCE

Qui c’est ? Qui c’est ?

Simon lui fait signe qu’il n’en sait rien.

SIMON

Oui. Vous voudriez lui parler ?

CHANCE

Qui c’est, demande ?!

SIMON

Juste une seconde.

(Il couvre le haut-parleur)

C’est ce gars que tu as rencontré au « Troubadour ». Tu sais, celui de l’Oregon--

Chance arrache brusquement le téléphone de sa main et répond en retenant son souffle.

CHANCE

Allo...?

CHANCE (en voix off)

Laissez-moi vous expliquer, car normalement je ne me mets pas dans des états pareils pour des mecs.

EXTERIEUR. LE TROUBADOUR – LA NUIT

Chance est assise en tailleur sur le trottoir en train de fumer une cigarette.

Un MEC vachement mignon, je veux dire complètement canon, sort du club et vient vers elle.

Chance laisse la cigarette brûler entre ses doigts.

CHANCE (en voix off)

Tout d’abord, avant de parler de cette rencontre, je dois dire que Jack était—est le plus bel homme que j’aie jamais vu.

(une pause)

Immédiatement, mon cœur s’est mis à battre à cent à l’heure et je ne pouvais plus respirer. En fait, je croyais vraiment que j’étais morte. Morte et au paradis. Que c’était une sorte d’ange qui venait vers moi.

Jack remarque Chance et lui sourit.

JACK

Salut.

CHANCE

Eh.

(une pause)

JACK

Eh.

CHANCE

Salut.

(une pause)

JACK

Moi c’est Jack. T’en as une autre de celles-là ?

CHANCE

Une autre de quoi ?

(une pause)

JACK

Une autre de celles-là.

Il lui montre sa cigarette.

CHANCE

Ah, tu parles de la cigarette ?

Il fait signe que oui.

JACK

Ouais.

CHANCE

Je suis bête.

JACK

T’inquiète. Y’a pas problème.

Chance lui sourit.

JACK (continue)

Alors, t’en as une ?

CHANCE

Ouais, j’en ai justement acheté un paquet tout à l’heure.

Elle sourit, sans bouger.

JACK

C’est cool. Mais je peux en avoir une ?

CHANCE

Tu veux une cigarette ?

JACK

Ouais, c’est ce que je voudrais. C’est ce que je voulais…

CHANCE

Hum, attends je regarde.

Elle fouille dans son sac à main, et en ressort un paquet tout froissé.

CHANCE (continue)

Merde !

(une pause)

Je sais que j’en avais une quelque part--

Jack va pour partir.

JACK

Tu sais quoi ? C’est cool. Je te verrai plus tard.

Chance se lève aussitôt et commence à le suivre.

Elle continue à fouiller dans son sac tout en le poursuivant.

CHANCE

Attends une minute ! Jack ! J’en ai trouvé une !

Elle rattrape Jack et lui fourre sous le nez une cigarette à moitié cassée.

Il s’arrête et la regarde attentivement.

JACK

Mais elle est cassée...

CHANCE

La moitié seulement.

Il redresse la tête et regarde fixement la cigarette. Puis il la prend.

JACK

Merci.

Il sort un briquet de sa poche et l’allume.

CHANCE

Je m’appelle Chance.

JACK

Comme “donner une chance à la paix” ?

CHANCE

Si tu dois...

JACK

J’ai un ami qui s’appelle Amérique.

(une pause)

CHANCE

Mon frère s’appelle Zéro.

(une pause)

JACK

Oh.

CHANCE

Il est plus âgé.

(une pause)

Mon père croyait que ce serait drôle. Tu comprends, « Venez ici, Zéro, Chance ! »

JACK

Si, c’est marrant.

CHANCE

Ouais si on veut. Mon père est un peu givré. Comme ma mère d’ailleurs.

JACK

Et que devient Zéro ?

CHANCE

Agent de change à New York. Marié. Il a deux gosses et demi.

(une pause)

Il est du genre à se venger. En votant pour les « Républicains », c’était la pire punition qu’il pouvait infliger à mes parents.

(une pause)

Moi, je suis plutôt du genre flemmarde. Je ne fais pas grand chose. Je me rebelle. Je prends la vie comme un jeu.

JACK

Ouais, c’est la guerre là-bas.

CHANCE

Ouais.

(une pause)

JACK

Je viens de l’Oregon.

(une pause)

JACK (continue)

Tu sais, l’Etat juste au-dessus.

CHANCE

J’ai une amie qui vit à Portland.

JACK

J’ai vécu à Portland--

CHANCE

Elle s’appelle Abigail--

JACK

Pendant une semaine.

CHANCE

Jones. Ah...

JACK

Je dois y aller, mais donne moi ton numéro. Je t’appellerai.

CHANCE

(à la caméra)

C’est un peu rapide non ?

(à Jack)

OK.

Elle sort un stylo de son sac à main, mais n’arrive pas à trouver de papier.

CHANCE (continue)

Tiens.

Elle écrit son numéro sur son bras.

JACK

Je te donnerais bien le mien, mais je n’ai pas le téléphone.

Il se retourne et s’en va.

Soudain, Simon arrive de nulle part et se tient derrière Chance.

SIMON

C’était qui ça ?

Chance pousse un cri, terrifiée.

CHANCE

T’es dingue, Simon, avec tes conneries j’ai failli avoir une crise cardiaque ! Bon sang !

Simon hausse les épaules.

SIMON

Désolé.

(une pause)

Il est mignon. Je l’ai vu au club.

CHANCE

(reprenant son souffle)

Il vient de l’Oregon.

SIMON

Abigail vit à Portland.

CHANCE

Je sais.

SIMON

Ah.

CUT - PLAN SUIVANT :

INTERIEUR. SALLE DE SEJOUR/CUISINE DE CHANCE

Chance porte le téléphone à son oreille. Sa mine réjouie disparaît. Soudain, elle donne un grand coup de pied dans le tibia de Simon.

CHANCE

Salut, la Mère...

CHANCE

(à la caméra)

Super. Ma mère vient me rendre visite.

 

Retour à la page 2 - Suite à la page 4